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Grève de l’AFP en Turquie : Non, M. Fries, ce n’est pas un chantage !

mardi 9 mai 2023

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Une petite phrase qui en dit long sur le manque de considération et la mauvaise foi de la direction et du PDG. Pour Fabrice Fries, qui répondait ce mardi matin aux salariés lors d’une séance de questions-réponses, l’actuel mouvement de grève lancé par des salariés de statut local des bureaux AFP d’Istanbul et d’Ankara s’apparenterait à un « chantage » pour obtenir de meilleurs salaires.

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Quel culot ! Une grève n’est pas un chantage ! C’est un moyen parfaitement légal de faire entendre une revendication, alors que le chantage est un délit ! Sans compter que nos collègues en grève vont perdre du salaire et que les conséquences de ce mouvement seront sans doute très lourdes pour eux et leurs familles.

La vision du PDG est d’autant plus choquante que cette grève est due à l’intransigeance d’une direction obsédée par la recherche d’économies à faire, y compris sur le dos des salariés, surtout quand ils sont de statut local.

Si nos collègues turcs en sont arrivés à lancer une grève illimitée le 3 mai — après plusieurs mois de négociations infructueuses — c’est parce que la direction de Paris leur refuse un mécanisme de stabilisation, calé sur l’euro, de leurs salaires qui ne cessent de dégringoler avec la chute de la livre turque.

Mais le PDG, qui lui n’a certainement pas de problème de salaire (On ne sait d’ailleurs toujours pas combien il gagne malgré sa soi-disant volonté de « transparence » affichée quand il postulait à l’AFP en 2018), ose confondre le désespoir de ces salariés avec une volonté de nuire à l’agence en raison des échéances électorales en Turquie.

Pour se défendre, la direction a rappelé aussi mardi matin qu’elle « traitait » la question de l’inflation dans « chaque pays au cas par cas », ajoutant que les salariés de Turquie n’étaient pas légitimes à demander plus que les autres salariés du réseau car tout le monde aurait reçu, selon elle, une compensation moyenne « d’environ 30 à 50% » de sa perte de pouvoir d’achat.

Le nouvel étalon-mètre de l’AFP : le seuil de pauvreté

L’effort de l’AFP semble conséquent… Sauf qu’on ne peut pas comparer la chute de pouvoir d’achat dans un pays où l’inflation est à 6%, à celle en Turquie où l’inflation a atteint 64% en 2022 selon des données gouvernementales probablement sous-estimées ! Les grévistes turcs sont donc dans leur bon droit de réclamer une compensation qui tienne compte de la réalité de la chute de leur pouvoir d’achat.

Un exemple concret : une salariée AFP turque de droit local a vu son salaire, rapporté en euro, tomber de 2.435 euros par mois il y a cinq ans (selon le taux de change de l’époque) à aujourd’hui l’équivalent de 1.580 euros sous l’impact de la dévaluation de la livre turque, et ce malgré toutes les augmentations reçues pendant cette période !

Aujourd’hui, le salaire le plus bas dans les bureaux de l’AFP en Turquie s’élève à 928 euros par mois (taux de change actuel). Les grévistes réclament un salaire minimum équivalent à 2.090 euros alors que la direction propose de l’augmenter à l’équivalent de 1.345 euros, auxquels se rajouteront des petites augmentations temporaires si jamais la valeur de la livre turque tombe de nouveau.

Ce mardi, la direction a défendu sa proposition à 1.345 euros mensuel en affirmant qu’elle maintiendrait ainsi le personnel turc « au-dessus du seuil de pauvreté »… Mais quelle misère ! La direction de l’AFP mesure désormais les salaires de ses journalistes professionnels à l’aune du seuil de pauvreté… De surcroît, elle semble mal informée car le seuil de pauvreté calculé par les syndicats turcs est fixé à 1.543 euros (33.015 livres turques), soit un montant supérieur au salaire minimum proposé par l’AFP.

Un seuil qui explique pourquoi nos collègues réclament un salaire minimum équivalent à 2.090 euros qui permettrait de les protéger temporairement de l’inflation qui poursuit sa hausse infernale (112,51% sur un an en mars 2023 !)

Il faut savoir que l’ensemble de nos collègues vivent désormais sous la menace d’une expulsion de leur appartement car leurs propriétaires envisagent de tripler leurs loyers pour se caler sur les prix du marché (Il faut par exemple compter au minimum 1.000 euros par mois pour se loger dans le centre d’Istanbul).

La direction doit donc faire un effort pour s’aligner sur les demandes des grévistes turcs et faire cesser cette grève très dommageable pour l’image de l’agence et nuisible à sa mission d’intérêt général.

L’effort financier pour y arriver serait d’environ 200.000 euros par an, ce qui paraît raisonnable quand on sait que la direction va débloquer 6,5 millions d’euros en 2023 pour compenser l’inflation sur l’ensemble du réseau AFP (montant calculé à partir des chiffres donnés mardi).

SUD appelle donc la direction à faire cet effort et à sortir de cette crise par le haut.

SUD apporte aussi tout son soutien à nos collègues grévistes turcs qui se battent pour obtenir un salaire décent leur permettant d’échapper à la pauvreté, et demande à tous les salariés de l’agence de faire de même.

Les salariés du Siège devront d’ailleurs peut-être un jour suivre la voie de leurs collègues turcs pour défendre leur pouvoir d’achat face à l’inflation. Les propos de Fabrice Fries de mardi matin ne sont en effet guère rassurants.

Interrogé sur les négociations en cours pour le renouvellement du contrat d’objectifs et de moyens (COM 2024-2028) entre l’État et l’AFP, le PDG a indiqué qu’il ne se faisait « pas d’illusions » pour obtenir beaucoup plus d’argent pour notre mission d’intérêt général.

Si ses craintes se réalisent, alors les salariés de droit français ne devront pas se faire d’illusion non plus : la Négociation annuelle obligatoire (NAO) prévue fin 2023 tournera court, sans véritable revalorisation (en pourcentage) des salaires AFP en France.

Les salariés de droit français doivent eux aussi se mobiliser !

La grève n’est pas un chantage ! Mais le dernier recours pour défendre notre pouvoir d’achat.

Paris, le 9 mai 2023
SUD-AFP (Solidaires-Unitaires-Démocratiques)