Accueil > Communiqués SUD-AFP > Effets inattendus du Grand Accord : Travailler moins devient possible !

Effets inattendus du Grand Accord : Travailler moins devient possible !

lundi 15 mai 2017

Toutes les versions de cet article : [English] [français]

Tract imprimable

Dévoués à leur travail, attachés à la mission d’intérêt général de l’AFP, la plupart de ses salariés ne comptaient pas leurs heures. La direction de l’Agence pense que ce dévouement est sans limites, mais ses projets purement comptables ne rencontrent pas l’adhésion enthousiaste du personnel. Et alors que l’ancien consensus social a été rompu par la dénonciation brutale de l’ensemble des accords sociaux, puis la signature d’un accord certes majoritaire mais surtout rétrograde, de nombreux salariés découvrent les effets inattendus du Grand Accord : travailler moins devient enfin possible.

Certes, l’objectif de la direction est de réduire la masse salariale, notamment en nous faisant travailler plus (moins de congés pour les ouvriers et les cadres techniques, moins de RTT pour tous, dépassement des 35H pour ceux qui acceptent le forfait jours, etc.). Mais pour beaucoup d’entre nous, le calcul est vite fait : rester au décompte horaire permet de travailler moins ou, du moins, de se défendre contre des horaires à rallonge sans fin.

  • A l’approche du 1er juin, date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions sur le temps de travail, des salariés limitent déjà leur temps de travail, et certains découvrent à quel point ils avaient jusque-là donné de leur temps libre et de leur énergie à l’Agence, désormais transformée en une « entreprise privée », une entreprise comme les autres (comme l’avait expliqué la direction en 2014, à propos de la modification du Statut de 1957 ).
  • Des journalistes dans les services et bureaux de production s’apprêtent à appliquer le décompte horaire, plutôt que d’opter pour le forfait jours.

Exemple de calcul : journalistes en production choisissant le décompte horaire 39H

(Le même calcul peut être fait avec 35H pour les cadres techniques et administratifs)

S’ils continuent à travailler comme maintenant, dans le cadre de la mission d’intérêt général, selon les besoins de l’actualité (qui ne se prévoient presque jamais), cela représente 45 heures de travail minimum par semaine (pause comprise).

 45 heures : c’est 39 heures + 6 heures supplémentaires par semaine minimum
 Soit 24 heures par mois (sans compter les week-ends de permanence)
 Soit 240 heures par an (sur dix mois)

240 heures supplémentaires devraient, selon les règles fixées par le Grand Accord, être compensées comme suit : 220 heures récupérées en temps compensatoire et 20 heures payées doubles et récupérées.

Cela ferait 31 jours de repos supplémentaires par an [1] (en plus des vacances et des 7 RTT) et environ 900 euros en plus chaque année (dans l’hypothèse d’un salaire de 3.400€ brut par mois).

Les nombreux journalistes de production travaillant 45H/semaine et qui choisissent le forfait jours renoncent donc à 26 jours de repos et au paiement d’environ 900€ par an. On comprend pourquoi la direction estime que « l’organisation la plus pertinente au regard de la pratique actuelle est bien le décompte en jours travaillés sur l’année » (=forfait jours).

« Habituez-vous à travailler moins ! »

Si notre calcul est sans doute révélateur, il reste toutefois théorique. Car, aux salariés qui s’interrogent sur les modalités du décompte horaire et sur la récupération des heures supplémentaires, la direction répond : « Il faudra vous habituer à travailler moins ! ». En effet, le mot d’ordre général est : pas d’heures supplémentaires !

Du coup, le Grand Accord se traduira pour de nombreux salariés qui choisissent le décompte horaire par une réduction du temps de travail hebdomadaire. Finis les horaires à rallonge. Certains, pourtant très motivés par leur travail, ne seront pas mécontents de pouvoir consacrer davantage de temps à leur vie privée...

Pagaille dans les services

La direction espérait que face à l’importante perte de jours de RTT liée au choix pour le décompte horaire, les cadres et journalistes allaient massivement choisir le forfait jours. En réalité, on va vers une forte division du personnel qui risque de se traduire par une belle pagaille dans les services et par une surcharge de travail inquiétante pour les chefs de service.

Loin de leurs tâches naturelles (responsabilités rédactionnelles, administratives, techniques ou commerciales), les chefs de service vont devoir gérer au quotidien le suivi du temps de travail et, dans certains cas, des équipes divisées entre salariés au forfait jours et salariés au décompte horaire.

La réunionnite et les tâches administratives prendront le dessus : les chefs de service devront proposer à chaque salarié au forfait jours un entretien tous les 4 mois, en sus de l’entretien annuel légal. Au quotidien, ils devront superviser le temps de travail effectué par les salariés au décompte horaire. Ils devront « prioriser » les tâches, là où c’est possible, et décider si l’Agence peut se permettre de faire l’impasse sur certaines couvertures rédactionnelles. Ou bien ils devront demander aux salariés au décompte horaire d’effectuer des heures supplémentaires (récupérables) voire, par défaut, répartir leurs tâches non réalisées sur les salariés travaillant au forfait jours.

Les salariés ayant opté pour le forfait jours risquent donc eux aussi de voir leur charge de travail s’accroître, contrairement aux promesses de la direction. Et ceci même dans les services fonctionnant en travail posté (par exemple les desks) : quel salarié au forfait jours pourra refuser d’allonger sa vacation lorsque des collègues seront absents ?

Tout cela risque d’affecter gravement la réalisation de notre mission d’intérêt général, le climat de travail dans les services, la santé des salariés...

Choisissons le décompte horaire !

Le meilleur moyen de préserver nos intérêts collectifs face à cette pagaille consiste à choisir le décompte horaire, à rester groupés et solidaires. Pour rappel, les salariés ont un « choix » à faire, par conséquent, la direction et la hiérarchie devront respecter ce « choix ».

Les signataires du Grand Accord ont pris le risque de mettre en place une nouvelle organisation des relations sociales et du travail qui ne correspond pas aux besoins de l’Agence, sauf à considérer que celle-ci n’a plus de mission d’intérêt général lui imposant de « donner aux usagers français et étrangers, de façon régulière et sans interruption, une information exacte, impartiale et digne de confiance » (Statut de 1957). Les signataires ont également fait le choix d’instaurer à l’AFP des salariés à 3 vitesses (forfait jours / 39 heures / 35 heures). SUD se battra pour que le personnel de l’Agence redevienne un et indivisible.

La disposition clé du Grand Accord - le forfait jours - n’est légalement pas conciliable avec l’organisation du travail de la plupart des journalistes et cadres de l’AFP. SUD prépare une action pour faire confirmer ce constat par la justice. Quoi qu’il en soit, se pose toujours plus le problème du manque de moyens financiers et humains, et donc celui de la renégociation du Contrat d’Objectifs et de Moyens et du Grand Accord.

Paris, le 15 mai 2017
SUD-AFP (Solidaires-Unitaires-Démocratiques)


[139h/semaine = 7,8h/jour. 240h divisées par 7,8h = 30,76 jours, donc arrondi à 31 jours